Pour la Haute juridiction, les principes de laïcité et de neutralité ne peuvent justifier l’interdiction du port du voile islamique dans les entreprises privées, à moins que celles-ci n’exercent une mission de service public (Cass. Soc. 19 mars 2013 n° 11-28.845 et n° 12-11.690).
C’est ce qu’a affirmé en substance la Cour de cassation dans deux décisions très attendues.
Dans la première affaire, celle dite de la crèche « Baby Loup », une salariée avait été licenciée pour violation du règlement intérieur, celui-ci prévoyant l’interdiction de porter le voile islamique dans l’exercice de son travail. La cour d’appel de Versailles, dans son arrêt du 27 octobre 2011, avait jugé que le licenciement était bien fondé considérant que la restriction imposée à la liberté religieuse de la salariée était justifié par le fait que les enfants de la crèche ne devaient pas être confrontés à des manifestations ostentatoires d’appartenance religieuse. La Cour de cassation réfute ce raisonnement en jugeant que ladite clause du règlement intérieur, par son caractère trop général et imprécis, apporte une restriction à la liberté de religion qui n’est pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnée au but recherché, violant par là même l’article L. 1321-3 du Code du travail. Le licenciement est par conséquent entaché de nullité pour cause de discrimination.
Dans la seconde affaire, l’entreprise en cause n’était pas une crèche mais la Caisse Primaire d’assurance maladie (CPAM). Une employée avait là aussi été licenciée pour non-respect du règlement intérieur qui interdisait également le port du voile islamique sur le lieu de travail. Les juges du fond comme ceux de la Haute juridiction ont dans ce cas considéré que le licenciement était justifié, la CPAM, organisme de droit privé, étant en charge d’une mission de service public.
La gestion d’un service public par l’entreprise est donc clairement posée par la Cour de cassation comme le critère à prendre en considération pour apprécier la primauté de la liberté religieuse ou celle du principe de laïcité.
Il est à noter que ces décisions sont en contradiction avec la proposition du Haut Conseil à l’Intégration, reprise dans une proposition de loi du 18 janvier 2012, qui permettrait aux entreprises d’interdire dans leur règlement intérieur certaines pratiques religieuses, dont celle du port du voile.
Ce qu’il faut retenir :
– En l’état du droit positif, les principes de laïcité et de neutralité ne peuvent justifier l’interdiction du port du voile islamique dans une entreprise privée que si celle-ci gère une mission de service public.